Ultimate frisbee et écologie
Les rapports du GIEC successifs ne laissent plus de doute sur la nécessité d’actions écologiques et nous devons balayer immédiatement le premier aspect de la question : la pratique du sport en compétition, n’est pas écologique :
De par ses exigences matérielles, l’entretien des terrains, les infrastructures d'accueil et de transport, la pratique d’un sport en compétition sous la forme actuelle est un luxe écologique que l’humanité ne pourra pas soutenir à long terme.
Cependant, la tendance actuelle est à la volonté de développement du nombre de pratiquant de notre sport. Si tel est l’objectif, il faut revoir le modèle actuel pour permettre un développement soutenable de l’ultimate en compétition si on veut pouvoir continuer à se considérer comme un sport de valeurs et dans l'air du temps, même en se rendant compte que la tendance est à l’extrême opposée sans complexes : intégration de clubs sud africains dans la coupe d’Europe de Rugby, neige artificielle sur la majorité des phases de coupe du monde de ski, jeux d’Asie d’hiver dans le désert d’Arabie Saoudite, routes du tour de France arrosées, tourisme individuel dans l’espace, etc.
Premier spot de pollution : les transports.
Pour se rendre en championnat ou en tournoi, rares sont les équipes qui voient leurs déplacements remboursés, et la reconnaissance du frisbee étant limitée, peu de chance d’avoir des déplacements en jet privés, même en étant champion d’Europe. Ainsi on évite les polémiques inutiles et on peut rentrer directement dans le dur avec comme objectif l’optimisation.
Le fait d’avoir la possibilité de jouer des week-ends de tournoi et de pouvoir jouer un championnat de France sur une seule journée est une vraie chance ! L’autre “chance”, c’est l’aspect économique qui pousse le plus souvent au choix rationnel du covoiturage pour limiter les déplacements.
Toujours garder en tête le bilan carboné de nos transports :
TGV 1,73 kgCO2e
Voiture avec 5 personnes (électrique) 3,96 kgCO2e
Intercités 5,29 kgCO2e
Voiture (électrique) 19,8 kgCO2e
Autocar 35,2 kgCO2e
Voiture avec 5 personnes dedans (thermique) 38,4 kgCO2e
Avion (impact des traînées uniquement) 828 kgCO2e
Moto 165 kgCO2e
Voiture (seul à bord)192 kgCO2e
Équivalent CO₂ par personne en France, sont incluses les émissions directes, et la production et distribution de carburant et d'électricité. La construction des véhicules (voiture, vélo, batteries) n’est pas prise en compte dans le calcul, l’étude est réalisée par l’ademe (https://www.ademe.fr)
Quelques bonnes pratiques sont cependant à noter et mettre en avant :
- Organisation de championnats dans des secteurs centraux (Clermont/Orléans/Dijon/Tours/Le Mans) ou facile d'accès (Lyon/Paris/Strasbourg/Nantes/Montpellier).
- Championnats intra-muros qui permettent dans des grosses villes transports en communs + voyages en train/bus.
- Organisation de navettes pour aller chercher les joueurs à des gares ferroviaires et les ramener sur les lieux de championnats ou tournoi, ou location de voiture sur place après un voyage en train.
- Optimisation de la répartition des équipes selon des critères régionaux, en évitant d’envoyer Grenoble sur un phase à Boé (643 km) alors qu’ils avaient une phase à Chambéry (59km) et que Cognac qui était à 256 km est envoyé dans la manche, ou inverser Grenoble et l’équipe 2 des Moustix, par exemple.
Enfin, plus radical, mais tellement efficace : Lille qui joue le championnat de Belgique et Perpignan qui ne joue que la ligue Catalane ont ainsi un bilan carbone incomparablement plus faible à ce qu’ils auraient eu en restant dans le championnat de France, mais que peu d’équipes peuvent faire (les Alpes et le Doubs pourraient glisser dans le championnat Suisse, mais ceux-ci n’en veulent pas), les clubs des pays-Basques français pourraient suivre l’exemple de Perpignan, mais ils voyagent, de toute façon, très peu et se retrouveraient avec les mêmes temps de trajet pour aller jouer sur Bilbao que pour aller à Bordeaux ou Royan.
Deuxième spot de pollution : les consommations liées à la pratique de notre sport :
Qualité et lieu de fabrication des produits
Matériel :
En équipe, éviter de multiplier les maillots, les bilans carbone d’un maillot dont le tissu est fabriqué en Asie sera de toute façon très lourd : essayez de ralentir les cycles de renouvellement de maillots de vos clubs et de ne pas faire de maillot pour un pick up qui ne rejouera jamais ensemble.
Privilégiez l’équipement durable à l’équipement à la mode : investir dans un sac solide et un pack de couvert + gamelle pour les tournois peuvent être un bon investissement pour la pratique du sport et utile dans d’autres domaines également.
Pendant les tournois :
Lorsque l'on fait du sport, il est nécessaire de reprendre des forces en s'alimentant. Cependant, les bouteilles plastique et les sachets de nourriture finissent la plupart du temps dans la nature ou des poubelles en vrac et dégradent l'environnement.
Pour limiter sa production de déchets, remplacer les bouteilles jetables par des gourdes réutilisables.
Consommez des aliments en vrac comme les fruits secs.
Évitez les déchets liés aux sachets plastiques comme ceux des barres de céréales, les fruits secs ont également des qualités nutritionnelles plus avantageuses pour la pratique sportive.
Acheter en équipe favorise également la baisse du sur-emballage et la multiplication des déchets, prenez des fruits frais faciles à manger, comme des bananes ou des pommes.
Le choix de l’emballage peut se faire vers des produits qui sont moins emballés, et sans plastiques, même s’il est compliqué de connaître le sur-emballage de la logistique et de l’expédition.
Quand vous organisez un tournoi, évitez les cadeaux de mauvaise qualité et peu utiles, si l’objet offert est de trop mauvaise qualité ou non réutilisable, son bilan carbone sera trop lourd pour son usage. Privilégiez un cadeau utile pour la pratique du sport : paire de lacets, casquette, frisbee, sac à chaussure, chaussettes, bandeau, pack durable etc… Et encore, cela implique, afin qu'il n’y ait pas surconsommation, que le joueur n’en ait pas, en revanche, un produit de consommation utile (shampoing sec, alimentation locale ou autre) peut être une autre idée.
Dans certains tournois, le cadeau est une option, il permet d’en réduire le nombre commandé et éviter une sur-production.
Limiter la consommation de viande.
Si d’un point de vue sportif, la viande rouge n’est, c’est acté (https://www.santemagazine.fr/alimentation/aliments-et-sante/viandes/viande-rouge-attention-danger-172150), pas bonne pour la pratique sportive, elle est notamment très dure à assimiler, on la retrouve cependant, énormément en tournoi.
La viande de porc, culturellement clivante, n’est pas présente partout, mais on retrouve encore beaucoup de viande de bœuf sur les buvettes, notamment sur les barbecues estivaux en tournoi, tout en sachant qu’écologiquement, et pour la santé, elle reste la pire des viandes.
Pour diminuer la consommation, plusieurs astuces commencent à voir le jour :
1 - le choix politique : Certains tournois, Talampaya en tête, ont décidé de basculer le tournoi en tout végétarien. La question ne se pose plus, mais la solution ne fait pas l’unanimité.
2 - la culpabilisation : En Pologne, il m’a été demandé lorsque je devais renseigner quel était mon régime alimentaire si je voulais que l’on tue des animaux pour se nourrir alors que ce n’était pas nécessaire. Posé comme ça, j’ai dit non. Le menu végétarien était meilleur que celui avec viande (plats en sauce), je n’ai pas regretté.
3 - la rigueur administrative : lors de l’inscription en tournoi, tout le monde est considéré par défaut comme végétarien, sauf ceux qui lisent le texte d’inscription dans lequel il est précisé que si on veut de la viande, il faut le mentionner au moins 15 jours avant le début du tournoi.
4 - le surcoût : ceux qui mangent de la viande, payent un peu plus.
5 - le moindre mal : remplacer le boeuf par du poulet, pour passer de 35K CO2/ Kg de viande à moins de 10 fois moins.
6 - le rationnement : réduire la quantité de viande disponible et augmenter les alternatives. Les gens en mangeront quand même, mais juste moins sans avoir faim pour autant : objectif 0 gramme de viande perdu.
Troisième spot de pollution : les compétitions internationales
Mais toutes ces gouttes d’eau seront peu utiles si on n’attaque pas ce qui plombe le plus le bilan carbone de notre sport : les compétitions internationales.
Quasi systématiquement en déplacements en avion, la tendance est à l'augmentation régulière du nombre de compétitions internationales :
On a vu depuis 2020 apparaître, sur un calendrier bien chargé, des compétitions internationales indoor (club et nations), des divisions masters supplémentaires (club et nation) et de nouvelles compétitions sur sable. Alors que le nombre de joueurs, en compétition, était en baisse, on a eu une augmentation du nombre de compétitions internationales. créant une baisse du niveau de densité internationale pour un coût environnemental toujours plus lourd.
Championnat du monde : réforme écologique et sportive nécessaire.
Mondial des clubs :
La première question à se poser est la suivante : est-ce qu’un mondial des clubs avec 128 équipes est vraiment nécessaire ? Doit-on vraiment, pour seulement 3 divisions, voir 16 équipes US ? 12 Britanniques ?
C’est clairement la compétition qui nécessite la plus grosse réforme, car le plus gros événement de notre sport, mais de façon un peu inutile !
Je proposerais une révision du format international. Si on s’inspire de ce qui nous a plu lors des World Games, c’est la rareté qui fait que les matchs étaient intenses et de qualité et non pas la masse écrasante de matchs qui rend la compétition difficile à suivre. 1 - Réduire le nombre d’équipes :
Stop au championnat à 48 équipes ! Un format plus dense avec seulement 12 équipes par divisions semble suffisant. Il semble absurde de faire voyager des équipes de si loin pour qu’elles jouent des matchs avec un intérêt sportif limité. Si humainement, l’expérience est géniale, est-ce que l’impact écologique mérite de voir le 3éme du championnat de Suisse jouer les joueurs qui ont eu les moyens de voyager au Panama pour jouer une 46éme place mondiale ? Pas sûr !
En contrepartie, le championnat continental doit servir d’incubateur de haut niveau : c’est lui, et lui seul, qui doit servir de qualification pour le mondial des clubs.
2 - Réduire le nombre de joueurs :
Fin de l’abondance, réduisons le nombre de joueurs présents dans les Rosters !
Sans aller à 14 joueurs comme aux World Games, il semble acceptable de réserver un maximum de 18 joueurs pour les équipes engagées et pas un de plus ! De plus, l'organisation de championnats continentaux de qualification avec un roster permettrait de limiter le nombre de changements entre ce roster et le roster du mondial pour permettre aux équipes qualifiées de ne pas affronter que des équipes ayant invité des joueurs états-uniens. Les équipes pourraient ainsi donner un pré-liste de 22 joueurs pour le championnat continental (un joueur ne pouvant être sur deux listes à la fois) et seuls un nombre restreint (2 ou 4 joueurs, par exemple) n’ayant pas été dans cette pré-liste pourraient intégrer l’équipe pour jouer le mondial, évitant ainsi les joueurs invités de dernière minute et favorisant le travail de formation élite des clubs et les projets équipes.
3 - Quel bilan pour ces deux réformes ?
Appliquer ces 2 mesures donnerait les résultats suivants :
- Passer de 128 à 36 équipes et de 3000 à 648 joueurs.
- Faciliter l’organisation des mondiaux et leurs retransmissions
- Plus de facilité à financer le mondial
-Recherche de sponsor plus facile pour les équipes
- Permettre de limiter à 5 le nombre de changements maximum de joueurs entre la qualification et la compétition.
- Un championnat continental qualificatif permettrait également d’avoir un système de bourse pour aider à financer le voyage des équipes qualifiées, en fonction de la distance à parcourir et du PNB/ habitant pour permettre une meilleure équité sportive, réunir des fonds pour une équipe devient plus facile à budgétiser si le nombre de joueurs est défini et stable.
Mondial des nations :
Conserver l’idée d’un championnat continental qualificatif semble être la solution pour garder un niveau de compétitivité important et rendre plus exceptionnel cet événement. Un autre critère pourrait entrer en jeu : obliger une nation à se présenter avec au moins 66% de son roster composé de joueurs ayant un passeport du pays soit 12 des 18 joueurs max.
Possibilité de répartition des spots :
3 médaillés précédents + pays organisateur + esprit du jeu + 8 qualifiés par leurs championnats continentaux (2 Am Nord + 2 Europe + 1 Amérique du Sud + 2 Asie/Océanie).
Si une nation est forfait, la première place s’ouvre pour l'Amérique du Sud.
Image générée par Imagine et corrigée par Quentin Dupré la Tour
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