L'Inde, s'envole à la face du monde !
L'Inde Mixte. Vainqueur du spirit aux Mondiaux de 2015, cette équipe était le vent de fraîcheur de Dubaï : chaleureuse, tenace dans le jeu et avec un sourire à toute épreuve. L'équipe d'Inde avait terminé 14ème sur 18 équipes.
Le rappel de 2015 :
Après un premier match intéressant, contre le Canada, où l'équipe avait tenu le score jusqu'à 6-4 avant de se faire distancer et perdre 11-7, l'Inde n'avait pas existé contre des adversaires beaucoup plus expérimentés (12-2 Philippines, 13-4 Grande-Bretagne, 13-4 Suède, 13-2 Allemagne, 12-5 Pays-Bas). Jouer contre l'Inde, c'était jouer une équipe gentille, souriante et qui allait se prendre une volée, avant de mettre une bonne note au spirit, un peu coupable d'avoir infligé un tel score à une équipe aussi sympathique. A l’issue des matchs de poule, l'équipe commençait enfin à être las de ne servir que de faire valoir et la crispation s’était fait ressentir par plus d'agressivité sur le terrain, avec plus de contacts et d'appels de fautes : l'Inde rentrait dans le rang et ne voulait pas rester une gentille victime. Une première victoire avec un spirit un peu âpre face à l'Ouganda et une défaite crispée face à la République Tchèque 10-8 où la fin de match laissait espérer une victoire indienne. Mais l'Inde était en poule basse. Dans cette poule, trois victoires contre la Slovaquie (rebond au spirit), le Japon et les Émirats permettaient à l'équipe de se placer, pendant que l'avance prise au premier tour offrait le spirit à l'équipe sans contestation. Métamorphosée entre le premier et le dernier match, l'Inde n'était plus un enfant découvrant émerveillé un monde imaginaire, mais l’équipe avait (enfin) acquis de vraies ambitions de jeu.
Veera Sethuraman
L'équipe de Royan
De l'équipe partit faire son expérience à Dubaï à celle de 2017 à Royan, seuls deux joueuses sont encore présentes : Veera Sethuraman et Sangeetha Manoharan. Cependant, le profil de l'équipe change peu : jeune, légère, mobile, avec beaucoup de vitesse sur sable et qui manque d'expérience internationale. Une grosse différence, cette fois-ci : dès le début l'Inde vient pour montrer son vrai niveau, bien décidée à ne pas tendre l'autre joue pour le spirit. L’Inde entame son Mondial par un premier match de mise en place, contre une belle équipe des Philippines soldé par une défaite 13-6. Mais les Indiens sont dans le rythme pour écraser une équipe Vénézuélienne, pas assez mobile sur sable (11-4). Le match suivant va construire l'équipe et initier le changement tactique : une défaite 11-10 à l'universe point contre la Nouvelle-Zélande et voilà l'équipe qui se frustre, consciente de ses capacités et commence à avoir faim de victoires, quitte à faire du tri dans son choix de passes. Contre les Suisses, les Indiens confirment cette révélation : tous les joueurs l’équipe ne sont pas homogènes, pour performer, il faut resserrer le roster et filtrer les passes. En attendant que ce jeu se mette en place, les Suisses font le métier et remportent le match 11-5. À la stupéfaction générale, alors qu'officiellement dans la ronde "tout s'est bien passé", ils mettent un 7/20 au spirit des Suisses... Plutôt dur à avaler et impactant pour la moyenne Suisse qui d’ordinaire est plutôt bonne élève.
La nouvelle-Inde
Après ce match, le jeu Indien est en place, et tourne autour de quelques joueurs : Sivaraman Venkatesan, PraveenKumar Muthu et Babu Raghu... Avec dans une moindre mesure Krishna Rajubhai Damor et les deux "survivants" de Dubaï : Sangeetha Manoharan et (enfin une fille) Veera Sethuraman. Côté technique, le développement de l’attaque tourne désormais sur un petit jeu de possession entre handleurs avec des longues passes envoyées dans l'espace pour gagner du terrain. Alors que niveau de l’Inde mixte est bien meilleur, la qualité des adversaires suivants cache la réalité (défaite 12-8 face aux futurs finalistes Canadiens et défaite frustrante 12-11 face à l'Espagne après avoir mené 11-9).
Inde - Espagne
L'Inde, avant-dernière du groupe avec 1 victoire pour 5 défaites doit battre la Turquie pour avoir la chance de jouer un crossover contre un troisième de poule. L'adversaire en face semble du même niveau que l'équipe d'Inde, mais progressivement le "nouveau jeu" de l'Inde se met en place : moins de mouvement dans le stack pour les joueurs les moins importants, qui laissent plus de place aux meilleurs et gardent leur énergie pour le travail défensif, jeu bridé pour le bas de roster, discipliné et tourné vers l'arrière, pendant que quelques joueurs font le travail. L'Inde se détache après le premier quart d'heure et ne redescendra plus jamais sur terre (victoire 13-8) !
Sivaraman Venkatesan
Inde-Turquie
Période sombre
Place désormais au crossover, avec ce qui semble être le match le plus déséquilibré entre des Suédois qui viennent de battre Team USA, mais se retrouvent dernier d'une triangulaire, et l'Inde qui garde une image d'équipe inexpérimentée... Le match commence à couteaux tirés avec une équipe indienne décidée à ne pas laisser passer sa chance, ne laissant passer aucun call et utilisant tous les moyens que le règlement lui autorise pour tenter de récupérer des disques, parfois litigieux, parfois non. En face, si les suédoises sont de la nouvelle génération, les garçons sont des clients expérimentés... Patrick Sundqvist, Johan Leandersson ou encore Tomas Eriksson (la génération rendue célèbre tant pour son titre de champion d'Europe open à Maribor 2011 que le fameux drop filmé en finale célébré comme un catch…et validé comme un point décisif pour la victoire finale). Le match s'envenime rapidement et à 4-4 un spirit time-out interrompt le jeu longuement, les Suédois reprochant ouvertement aux Indiens de tricher : mauvais travels, contacts imaginaires sur des drops et contestations systématiques. Le match se termine sur un score de 9-8, la moitié féminine de la Suède est en pleurs et crie à l'injustice pendant que les garçons sont plus frustrés de se retrouver à jouer la 17éme place... En attendant les Indiens convoqués par le comité de l'esprit du jeu se défendent en parlant de faits de jeu contestés par les Suédois et admettent à demi-mot honteux avoir forcé certains appels de fautes... Les deux équipes se quittent dos à dos avec des notes de 7 pour la Suède (soit autant que pour les Suisses, augmentant le sentiment d'avoir été sous-notés) et 6 pour l'Inde, presque agréablement surpris. Sportivement, le résultat est extraordinaire, pour l'état d'esprit, il l'est beaucoup moins et l'Inde se sait désormais observée, quand à la Suède c'est pour la 17éme place qu'il faut désormais se battre oubliant désormais toutes ambitions. Le tout passant presque inaperçu puisque les regards sont tournés vers l'équipe des Philippines qui viennent de remonter un score de 8-2 pour l'emporter 9-8 contre les USA.
PraveenKumar Muthu
Le crime de lèse-majesté
Place désormais au pré-quart de finale contre la France, qui joue à domicile. Pendant que tout le monde est mi-admiratif, mi-amusé par la performance indienne face à la Suède, l'image internationale de l'Inde est toujours celle de ce nouveau pays de l'ultimate chaleureux, gentil avec un très bon état d'esprit et peu crédible sportivement... Bref à l'opposé de la réalité. Contre la France, l'Inde resserre encore plus son jeu autour d'un joueur qui s'affirme de plus en plus comme un joueur de classe mondiale : PraveenKumar Muthu et éloigne le disque de ce qui semble être le point fort de l'équipe de France : ses filles. Les garçons indiens jouent donc à trois et mènent rapidement 4-0 avec Muthu, bien assisté par Venkatesan et Damor. Malgré deux temps forts de la France, qui a marqué tous ses points avec un homme et une femme en scoreur ou passeur, l'Inde gère son avance de début de match et l'emporte 10-8. La victoire est historique et méritée avec un spirit tout à fait correct. Le tournoi est un peu sous le choc : l'Inde, 6ème de sa poule, est en quart de finale après avoir battu la Suède et la France.
Inde vs France
Babu Raghu
Une équipe de classe mondiale.
Le match suivant les opposes aux Portugais, 4ème des deux derniers mondiaux et avec deux des meilleurs joueurs du monde sur sable : Pedro Vargas et David Pimenta. Les indiens, avertis du danger qu'ils représentent, vont réussir à les museler totalement laissant leurs feuilles de stats à 0. Un exploit accompli auparavant par une tempête de sable pour David en 2015 (Allemagne défaite 6-3, David n'ayant pratiquement joué que face au vent) et par les USA en 2011 (défaite 13-2) et qui n'est arrivé qu'en 2011 contre GB pour Pedro (mais victoire 12-5). Pourtant, le Portugal a eu le match en main infligeant un 5-0 aux Indiens et renversant le score de 0-2 à 5-2. Mais le 4-0 suivant, scoré par l'Inde, relance le match. Le Portugal arrive à 7-6 cap à 8, mais c'est bien l'Inde qui score les deux derniers points et remporte le match. Les Portugais sont tout autant dépités que les Suédois ou les Français avant eux. Les stars portugaises sont restés muettes, laissant les filles faire la différence, mais cela n’a pas été suffisant.
Lors du match pour la 5ème place, encore une fois l'Inde est l’outsider, elle triomphe de nouveau et surprend. Pourtant l'adversaire était prestigieux : la Russie, équipe n'ayant perdu qu'un seul match du mondial, son quart de finale face aux USA (défaite 13-9 après avoir été mené 6-2) et qui était très clairement venue à Royan pour une médaille, renforcés par deux stars : Isaiah Masek-Kelly (Toronto Rush, #17), joueur Masculin de l'année 2015 au Canada et Alina Kagan (San Francisco Nightlock, #88). Malgré l'écrat de standing, la victoire indienne ne fait pas tâche et si le spirit indien est pointé du doigt, c'est plus pour des soucis de communication. Le désormais trio de classe mondiale Raghu-Muthu-Venkatesan à la baguette, l'Inde joue crânement sa chance et noie rapidement les espoirs russes ne laissant que le mercenaire Masek-Kelly faire le travail seul et tenir l'équipe russe à bout de bras. Les russes n'arrivent pas à bloquer le petit-jeu des Indiens. Menant dès la 8ème minute, les indiens ne seront plus rejoints remportant le match 11-8 et écrivant la plus belle page sportive de la jeune histoire de l'Ultimate du pays...
Que retenir de cette performance ?
Ne pouvant difficilement espérer mieux qu'une 17éme place après la défaite contre la Suisse, la jeune équipe Indienne à réalisée un mondial de grande classe en enchaînant les matchs et performances de haut-niveau contre le Canada, l'Espagne, la Suède, la France, les Philippines, le Portugal et la Russie pour se hisser à une historique 5éme place. Si l'équipe n'est plus la joyeuse équipe chaleureuse à jouer, elle cède la place à un redoutable adversaire qui a multiplié les résultats dans une division très dense avec seulement 6 joueurs vraiment au dessus et le reste de l'équipe plutôt limité, en comparaison. La note de spirit est, elle, une victime collatérale de la mutation de cette jeune équipe et le match contre la Suède servira énormément pour l'expérience. Si les conséquences sportives sont cruelles pour la Suède, elles n'enlèvent rien à la légitimité du classement final de l'Inde qui est allé chercher toutes ses victoires. Les Indiens ont réussi à remporter les matchs à enjeux pour grimper au classement. La vitesse avec laquelle ce pays à formé des joueurs d'une telle qualité est impressionnante et il faudra suivre certains joueurs et ce championnat qui risquent de revenir très forts lors du prochain mondial et avec une équipe plus dense !